La Côte des Bar sauvage

Pour tout amateur qui se serait risqué à la découverte des vignobles de Champagne, il n'est sans doute pas de contraste plus saisissant que celui qui existe entre le nord et le sud de la Champagne. La vallée de la Marne, située à peine à 1 h 30 de Paris, se découvre en une succession de villages dont la proximité témoigne d'une intense activité le long du fleuve. Autrefois batelière, elle est aujourd'hui centrée sur la vigne qui occupe les coteaux en surplomb du fleuve. Véritable axe de pénétration en direction d'Épernay, la vallée se découvre au fil d'une succession de paysages façonnés par la main de l'homme. Ainsi en va-t-il pour la vallée comme dans la Côte des blancs, terroir le plus réputé de toute l'appellation. Les villages s'y succèdent au fil des vignes qui s'étendent jusqu'à l'orée de bois, occupant seulement le sommet des collines. La Montagne de Reims, pourtant ponctuée d'un parc naturel, flirte elle aussi avec les grandes étendues céréalières de Reims.

La comparaison ne peut qu'être choquante. Une fois arrivé dans la Côte des Bar, cette partie sud de la Champagne est bien souvent méconnue. Le paysage s'y fait immédiatement plus sauvage, parsemé de forêts profondes et de rivières. Loin de régner en maîtresses absolues, les vignes cohabitent avec champs et massifs forestiers au gré d'un relief plus prononcé. Le village de Bergères, fief historique de la famille Rigollot, fait partie des villages de cette région que l'on ne découvre pas par hasard, mais avec un objectif clair en tête. Pour nous, cette idée était assez simple, découvrir quelques-uns des vignerons de cette vallée oubliée au profil parfois si proche de la toute proche Chablis.

Le champagne Emmanuel Rigollot

Au premier abord, rien ne semble particulièrement distinguer cette maison de ses voisines. Une histoire familiale viticole héritée des grands-parents qui cultivaient déjà la vigne en leur temps. Puis vint l'époque des parents qui, à leur tour, reprirent l'activité viticole. Ils firent le choix logique d'élaborer leurs propres champagnes ; en somme, d'apporter cette touche personnelle qui permet de parler d'un style maison. Ce fut finalement au tour d'Emmanuel de reprendre les rênes de la maison. Progressivement, il s'est approprié cet héritage, fait d'habitudes et de connaissances héritées d'une longue observation du terroir. Cette reprise ne s'accompagna pas de changements brusques mais d'une transition en douceur, pourquoi changer une recette qui fonctionne déjà ? Le choix fut même fait de s'ancrer dans un style typiquement champenois, recherchant la fraîcheur et la rondeur dans les vins, meilleure garantie d'une expression pure des arômes du fruit.

Au-delà des certifications

Viticulture Durable en Champagne (VDC), certification Haute Valeur Environnementale niveau, 1, 2, 3... Voilà autant de labels que les maisons champenoises sont de plus en plus nombreuses à collectionner. Besoin de transparence, sans doute, volonté du syndicat général des vignerons de Champagne de forcer le pas vers une viticulture éco-responsable, c'est certain. Mais comment s'y retrouver dans cette jungle d'appellations et de certification ? Loin de se limiter à ces seuls labels qu'elle a obtenus, la maison Rigollot a décidé de mener son propre chemin en matière de durabilité, et même d'aller bien au-delà. Depuis 2009, les vignes ne reçoivent plus que des engrais bio et plus une seule goutte d'insecticide, 50 % des 6,8 hectares du domaine sont désherbés manuellement. Preuve que le travail en symbiose avec la nature est avant tout une affaire de travail sur le terrain plus que de certifications.